Le management par objectif s’est généralisé ces dernières années, ce qui a eu pour conséquence une perte progressive du collectif au profit de l’individualisme.
L’évaluation individualisée des performances a mis les salariés en concurrence, les a isolés les uns des autres.
Cela peut se traduire par une absence de dialogue : en cas de difficultés pour avancer sur un projet, on envoie un mail à son collègue pour l’inciter/l’obliger à faire. Il arrive aussi que l’on mette sa hiérarchie en copie pour se protéger.
La solidarité a disparu au profit du « toujours plus », et au détriment de la qualité : c’est le résultat qui est récompensé et non plus le travail fourni qui est valorisé, ce qui s’apparente à une destruction de la valeur travail.
La mesure de la performance des salariés est aussi à mettre en lien avec la production effrénée des entreprises pour conquérir sans cesse de nouvelles parts de marché.
Mais il y a un paradoxe qui est à l’aune du désir d’enrichissement personnel des individus : « le travail est présenté comme une expérience intéressante, enrichissante et stimulante.
Chaque travailleur doit se sentir responsable des résultats pour pouvoir développer ses compétences ainsi que sa créativité. […] Chacun doit être motivé pour remplir ses objectifs avec enthousiasme et détermination » (de Gaulejac, 2005 p. 116).
L’organisation de l’entreprise a de son côté elle aussi profondément évolué ces dernières décennies avec un pouvoir managérial qui remplace progressivement le pouvoir autocratique, pyramidal : de plus en plus de libertés sont accordées aux individus pour réaliser leur travail, de plus en plus d’autonomie leur est demandé (Vernazobres, 2013).
Ce qui importe ce sont les résultats, et non les moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs.
Nous sommes arrivés au stade de l’hypermodernité, concept né dans les années 2000 et qui met l’accent sur « l’exacerbation, sur la radicalisation de la modernité, sur l’avènement de l’hyper : hyperindividualisme, hypernarcissisme, hyperconsommation, hypercapitalisme, hyperpuissance, hyperterrorisme, hypermarché, hypertexte… […] L’univers hypermoderne se caractérise par le scepticisme et la disparition des idéaux supérieurs, religieux ou révolutionnaires : dissolution des fondements incontestés du savoir, primat du pragmatisme et de l’argent, sentiment d’égale valeur de toutes les opinions et de toutes les cultures. » (Vernazobres, 2013, p. 38).
Dans l’entreprise hypermoderne, on demande aux collaborateurs d’adhérer aux enjeux de l’entreprise, d’être des « battants, des winners qui ont le goût de la performance et de la réussite, qui sont toujours prêts à se dévouer corps et âme » (de Gaulejac, 2005 p. 122).
« L’organisation [leur] offre un objet d’idéalisation et une excitation/incitation permanente à se dépasser, à être le plus fort, à devenir un « gagnant. […] L’attachement des individus est produit non par une contrainte physique, mais par une dépendance psychique qui s’étaye sur les mêmes processus que le lien amoureux, c’est-à-dire la projection, l’introjection, l’idéalisation, le plaisir et l’angoisse » (de Gaulejac, 2005 p. 128).
C’est dans ce contexte que le coaching trouve toute sa place.
Et comme l’écrit Vernazobres (2013, p. 43) : « le développement individuel n’est donc pas un luxe mais une opportunité pour l’entreprise, et le développement personnel au travail s’inscrit dans un nouveau paradigme managérial qui désigne la gestion du rapport à soi et à autrui comme centrale dans l’acquisition de compétences ».
Sources
- Dejours C. (2014). « Comment refaire Histoire? Le collectif à l’épreuve de l’individualisme». La grande table. France Culture 1/01/2014. https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/35-comment-refaire-histoire-le-collectif-lepreuve-de
- De Gaulejac V. (2005). La société malade de la gestion, idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social. Paris : Seuil. Coll. Points
- Vernazobres P. (2013). La valeur ajoutée du coaching. Pour un développement managérial et organisationnel. Bruxelles : De Boeck
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