Je souhaite partager avec vous ce livre très enthousiasmant Pour vivre heureux, vivons égaux ! des épidémiologistes Kate Pickett et Robert Wilkinson qui démontrent que les fortes inégalités de revenus de nos sociétés riches sont une des causes du mal-être ambiant que nous connaissons bien en entreprise.
Ces chercheurs se sont penchés sur ces phénomènes en se plaçant d’un point de vue épidémiologique, l’anxiété sociale étant considérée comme une maladie dont il convient d’étudier les causes à travers des données statistiques.
Aux grandes inégalités de revenus correspond une très forte hiérarchisation : l’être humain est ainsi fait que « plus une société est hiérarchisée, plus l’idée que nous sommes classés en fonction de notre mérite intrinsèque est profondément ancrée, et plus chacun en vient à douter de sa valeur. » (Pickett, Wilkinson, 2019, p. 46) […] C’est-à-dire que « là où l’on estime que les individus gravissent l’échelle sociale grâce à leurs mérites et à leurs efforts personnels, le statut est davantage perçu comme un reflet des aptitudes ou vertus de chacun. » (ibid p. 51)
Le mérite fait effectivement entièrement partie de nos sociétés que ce soit en matière de rétribution, de montée en compétence, de prise de poste à responsabilité…
Dans les sociétés inégalitaires développées, la position sociale dans l’échelle des revenus importe davantage que le revenu réel ; c’est cela qui est facteur de détresse psychologique, de trouble mental.
« Décréter que tous les individus ne sont pas naturellement dotés des mêmes aptitudes, de la même intelligence ni du même talent, et que ces différences expliquent le niveau qu’ils peuvent atteindre dans l’échelle sociale, est un puissant argument populaire pour justifier l’organisation hiérarchique de la société. L’idée communément admise est que nous vivons dans une « méritocratie » où le statut de chacun est déterminé par ses capacités. La société aurait ainsi la forme d’une pyramide dont les étages inférieurs abriteraient la vaste majorité de la population, c’est-à-dire tous les gens dépourvus des talents que nous croyons indispensables pour être propulsé vers le sommet. » (ibid p. 216)
On pense souvent que l’individualisme est à l’origine du mal-être dans nos sociétés, alors que cela en est aussi la conséquence : « une plus grande inégalité a pour effet d’intensifier la menace sociale et l’angoisse du statut, suscitant en nous une honte qui alimente nos instincts de repli, de soumission et de subordination. Quand la pyramide sociale s’élève et devient plus pentue, les insécurités liées au statut s’accroissent, avec des coûts psychologiques considérables. La compétition sociale et l’anxiété se généralisent, nous devenons moins chaleureux, moins altruistes et plus enclins à rabaisser les autres. » (ibid p. 95)
A contrario, plus les pays sont égalitaires et moins il y a détresse psychologique.
« L’une des raisons pour lesquelles les pays égalitaires affichent apparemment une meilleure santé mentale est que leur population est moins sujette à l’angoisse du statut et davantage impliquée dans des réseaux sociaux reposant sur la réciprocité, la confiance et la coopération. » (ibid p. 79)
Plus les sociétés sont inégalitaires et moins il y a d’empathie collective et sociale. Or l’empathie est le socle du bien vivre ensemble, c’est-à-dire de la cohésion sociale.
Il est à rappeler un fait très important : les inégalités de revenus des pays développés ont beaucoup diminué entre 1929 et la fin des années 1970, mais depuis les écarts se sont énormément accrus pour atteindre un niveau comparable à celui du début du XXe siècle (en raison notamment des salaires et bonus démesurés des dirigeants d’entreprises et des banquiers).
Au cours de ces 50 années, on a assisté « à un bouleversement des conditions de vie et de travail dû à divers facteurs – une volonté politique de renforcer la santé et la sécurité professionnelles, la défense des droits des salariés, l’amélioration de la salubrité des logements ou encore la protection des locataires… ». (ibid p. 281)
Je me demande si le repli sur soi des individus n’est pas accentué par cet âge d’or perdu qui était porteur d’espoir pour chacun d’entre nous.
Kate Pickett et Richard Wilkinson proposent bien sûr de nombreuses solutions dont une démocratisation de l’économie.
Mon propos n’est pas de développer les solutions, car ce qui a retenu mon attention est le constat qu’une société égalitaire favorise le bien-être et l’empathie, chacun étant considéré à sa juste valeur.
Pour prolonger cette pensée, je suis convaincue que le coaching permet de développer de la confiance en soi en dépit des inégalités de ce monde.
C’est ainsi que je conçois mon métier.
Pour vivre heureux, vivons égaux !, comment l’égalité réduit le stress, préserve la santé mentale et améliore le bien-être de tous, Kate Pickett, Robert Wilkinson, édition Les Liens qui libèrent, 2019
Kate Pickett est professeure d’épidémiologie à l’université d’York. Elle a étudié l’anthropologie biologique à Cambridge, la science de la nutrition à Cornell et l’épidémiologie à Berkeley.
Richard Wilkinson est professeur émérite d’épidémiologie sociale à l’université de Notthingham, professeur honoraire à l’University College de Londres et professeur invité à l’université d’York.
Ils sont, ensemble, les auteurs de Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous (Les Petits Matins, 2013).
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